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La guerre russo-ukrainienne (2014–2025) : origines, évolution, résilience et perspectives de paix

  • Writer: Matthew Parish
    Matthew Parish
  • 1 day ago
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Par Matthew Parish

Pour la Revue Militaire Suisse


Depuis plus d’une décennie, l’Ukraine est engagée dans un conflit avec la Fédération de Russie, dont les ramifications politiques, militaires et humanitaires s’étendent bien au-delà de ses frontières. De la Révolution de Maïdan en 2014 à la guerre d’usure de 2025, en passant par l’invasion totale de 2022, ce conflit a transformé l’État ukrainien, consolidé son identité nationale et déplacé les lignes de fracture géopolitiques de l’Europe contemporaine. Cet article propose une lecture synthétique de l’évolution du conflit, de l’économie de guerre ukrainienne, des perceptions populaires et des scénarios de sortie.


Aux origines : Maïdan et la rupture avec Moscou


L’élément déclencheur du conflit russo-ukrainien est sans conteste la Révolution de la Dignité (Euromaidan), qui éclate en novembre 2013. L’abandon, par le président Viktor Ianoukovytch, d’un accord d’association avec l’Union européenne est perçu par la population comme une capitulation face à la pression russe. Des manifestations massives s’ensuivent. Après des semaines de mobilisation et une répression meurtrière, Ianoukovytch fuit le pays en février 2014.


Pour le Kremlin, ce changement de régime soutenu par l’Occident constitue un casus belli. En mars 2014, la Russie annexe illégalement la Crimée, puis soutient l’insurrection armée dans les régions du Donbass, déclenchant une guerre de basse intensité qui fera plus de 13 000 morts entre 2014 et 2021.


Une guerre hybride devenue guerre totale (2022)


L’invasion à grande échelle de février 2022 marque une rupture fondamentale. Moscou escomptait un effondrement rapide du pouvoir à Kyiv, mais se heurte à une résistance militaire et civique farouche. Le président Volodymyr Zelensky devient une figure symbolique de la résilience nationale. L’Ukraine, soutenue par l’Occident, résiste à l’assaut initial, libère Kyiv et entame des contre-offensives efficaces à Kharkiv et Kherson en 2022.


Guerre d’attrition, guerre d’industries (2023–2025)


Les années suivantes voient une stabilisation du front, avec une guerre d’attrition de haute intensité. L’Ukraine mobilise sa population et réorganise son économie autour de l’effort de guerre : production de drones, munitions, reconversion de l’industrie lourde. Malgré la destruction d’infrastructures critiques par les missiles russes, les grandes villes restent fonctionnelles. La logistique humanitaire et l’approvisionnement en produits de consommation courante ne s’effondrent pas, grâce à un maillage territorial solide et à une administration efficace.


La Russie, de son côté, se mue en économie de guerre fermée, soutenue par la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Les pertes humaines sont massives des deux côtés, et les progrès sur le champ de bataille restent minimes.


L’économie ukrainienne : résilience et fractures


Malgré la guerre, l’économie ukrainienne affiche une résilience impressionnante.


  • En 2021, avant l’invasion, le PIB atteignait environ 200 milliards USD, avec une croissance de 3,4 %.

  • En 2022, le PIB chute de 29,1 %, conséquence directe de l’invasion.

  • En 2023, une reprise modérée s’amorce (+5,3 % selon le FMI), tirée par l’agriculture, les exportations via le corridor du Danube, et la reconstruction de base.

  • Pour 2024, le FMI prévoit une croissance d’environ 3,2 %, malgré des risques persistants.

  • Les prévisions pour 2025 sont prudentes : entre 2 % et 4 %, selon la stabilité militaire et la poursuite du soutien international.


L’inflation a été contenue grâce à la politique monétaire stricte de la Banque nationale d’Ukraine. Cependant, les disparités régionales et sectorielles sont fortes : tandis que le secteur IT reste dynamique, de nombreux Ukrainiens dans les régions rurales ou industrialisées connaissent un chômage latent ou des salaires très bas.


Opinion publique : entre patriotisme, fatigue et attentes


L’opinion publique ukrainienne a évolué de manière significative depuis 2014. Plusieurs tendances se dégagent :


  1. Renforcement de l’identité nationale : selon des sondages de l’Institut international de sociologie de Kyiv (KIIS), plus de 90 % des Ukrainiens se disent désormais favorables à l’adhésion à l’UE et à l’OTAN.

  2. Recul de l’usage du russe : la langue ukrainienne s’impose comme symbole d’unité.

  3. Confiance élevée dans les forces armées : elles demeurent l’institution la plus respectée.

  4. Fatigue de guerre croissante : bien que le soutien à la résistance reste majoritaire, une part croissante de la population exprime son épuisement face à la durée du conflit, aux pertes humaines, et aux difficultés économiques.


Un facteur clé est la stabilité démocratique : même en temps de guerre, l’Ukraine maintient un débat pluraliste, une presse active, et prévoit des élections dès que l’état d’urgence prendra fin.


La paix : quels chemins ? quels obstacles ?


Les perspectives de paix restent incertaines en 2025. Trois cadres de réflexion dominent le débat diplomatique et académique :


  1. La paix juste (just peace), selon Kyiv et ses alliés : le retrait total des forces russes, réparations, et justice pour les crimes de guerre.

  2. La paix négociée (negotiated peace) : scénario où l’Ukraine accepterait une ligne de cessez-le-feu sans récupération immédiate de la Crimée ou du Donbass, en échange de garanties de sécurité.

  3. La paix imposée (imposed peace) : risque d’une pression occidentale accrue sur Kyiv en cas de baisse de soutien ou d’évolution politique interne.


Des conférences de paix ont été organisées (Suisse, Arabie Saoudite), mais sans présence russe ni avancées substantielles. Le facteur déterminant reste l’équilibre militaire sur le terrain.


Conclusion


La guerre russo-ukrainienne n’est pas seulement une lutte territoriale. Elle oppose deux modèles de société : démocratie ouverte contre autoritarisme expansionniste. Depuis 2014, l’Ukraine a profondément changé : elle a consolidé ses institutions, affirmé son identité, et construit une économie de guerre étonnamment fonctionnelle. Mais elle en paie un prix humain et psychologique colossal.


Si l’année 2025 n’offre pas encore de paix tangible, elle marque une transition : l’Ukraine n’est plus une victime désarmée, mais un acteur stratégique, dont l’avenir dépendra de sa capacité à maintenir le cap démocratique, économique et militaire dans un monde toujours incertain.


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Lectures recommandées


Ouvrages académiques et essais


  • Serhii Plokhy, The Gates of Europe: A History of Ukraine, Basic Books, 2015.

  • Anna Colin Lebedev, Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, Seuil, 2022.

  • Marie Mendras, Russie : l’envers du pouvoir, Seuil, 2023.

  • Timothy Snyder, The Road to Unfreedom, Tim Duggan Books, 2018.

  • Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, Actes Sud, 2015.


Sources et rapports


  • FMI : Ukraine Country Reports (2022–2025)

  • Banque mondiale : Ukraine Economic Update, printemps 2024

  • UNHCR : Ukraine Situation Reports

  • KIIS (Kyiv International Institute of Sociology) : sondages sur l’opinion publique (2022–2024)

  • OSCE : rapports sur la mission spéciale d’observation en Ukraine (2014–2022)


 
 

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